Savez vous comment on m’appelle ?
On m’appelle aujourd’hui « la grande salle ».
Pourtant, avant qu’ils mettent toutes les cloisons qui me délimitent j’étais encore plus grande, plus grande !
Alors à cette époque, on m’appelait :
« la salle des machines. Il y avait ici la machine
qui transformait l’argile en longues plaques molles.
Il y avait aussi la machine qui coupait une première fois dans ces plaques pour en sortir les tomettes dégrossies.
Il y avait surtout un grand nombre d’hommes qui passaient et repassaient par là, avec des planches sur l’épaule :
ils disposaient ces planches
de façon à faire sécher les tomettes , une première fois
avant de les recouper plus précisément.
Ici, c’était un travail d’hommes.
J’en ai vu des hommes, surtout des immigrés italiens
qui avaient fui Mussolini et son fascisme…
Ici, c’était un travail d’hommes, plus pénible et dangereux :
j’en ai vu des accidents de travail !
Et plus loin, les femmes que je ne voyais jamais, fournissaient un travail plus précis.
J’entendais leurs cris et leurs chants.
Ah oui, Il y en avait du monde ici ! quelle organisation !quel travail !
ET UN JOUR: plus rien ! silence ! des messieurs sont venus me vider des machines. Plus de machine .
pendant des années ici, c’était le grand silence.
La poussière, les araignées, les rats..
des tas de planches, en désordre,
de vieilles poutres..
ENSUITE, sont venues les poules :
des dizaines et des dizaines de poules :
elles étaient de partout chez elles ;
elles montaient, elles descendaient,
elles volaient de partout ;
ça caquetait de partout : un véritable poulailler.
Et au dessus, en écoutant bien j’ai entendu des travaux. De gros travaux. pour y installer des familles.
Des appartements là-haut… et moi ? moi, on m’oublie.. rien.. ;
si ! je suis devenu un lieu de stockages.
Après les poules j’ai hébergé des centaines de sacs de linge.
De tout le village, les habitants venaient ici déposer le linge qu’ils ne voulaient plus.
Et chaque année un camion faisait des trajets jusqu’à la gare des Arcs .
Avec les apports de tous les villages voisins un train de linge se constituait.
Elle était fière, Gisèle, la locataire du dessus et moi aussi d’ailleurs, nous étions fières
de cette activité bénévole qui permettait de financer un poste d’assistante sociale
pour l’association des paralysés de France.et ça marchait !
BRUTALEMENT, tout cela s’est arrêté.
On a bétonné le sol. On a mis toutes ces cloisons. On m’a nommée : « la grande salle »…
Et… je suis restée un lieu de stockage !
de tous les coins de la maison affluaient des meubles et des objets.
Tout ce qui devenait inutile ailleurs s’accumulait ici.
Je me sentais utile, mais quand même ! j’aurais bien aimé servir à autre chose !
ET C’EST FAIT !
aujourd’hui je deviens même le centre du monde !.
lorsqu’on vient à « l’Oasis La canal », c’est ici qu’on vient ! Le reste des bâtiments ? peuchère,
il est là pour l’intendance : là-bas, on y dort, on y mange, on y boit,
on s’y prélasse…ici, on agit.
Ici, c’est le creuset de la convivialité.
Et je suis fière d’attirer autant de monde.
Et je dois remercier tous ceux et celles qui m’ont relouquée.
Je vous assure que je me sens vraiment bien dans ma peau. Il me semble que j’ai rajeuni !
Oui, Il est bien loin le temps de l’argile
et du bruit des machines,
il est bien loin le temps de la poussière, le temps du silence, de l’oubli et celui du stockage…
j’ai vraiment l’impression de revivre.
Il est grand temps, il est vraiment grand temps que je change de nom !
et voilà mon nom, il me rappelle mes origines, mes racines et ainsi je vais pouvoir continuer à être un vrai lieu de créations nouvelles. Merci à vous tous.